Nouvelle – Cette année-là
Je dois avoir trois ans. Il me semble que c’est mon tout premier souvenir : je revois un embrasement de charbons rougis, des flammes opalescentes qui dansent dans le foyer de la cuisinière à charbon, ma première télévision en somme.
La cuisine est mon repaire favori. Je m’y sens bien, il y fait chaud en hiver malgré la neige, malgré le gel.
Pauline, qui est à la fois notre cuisinière, ma nourrice et qui, de temps à autre, remplace ma grand-mère, sait faire de si jolis et bons gâteaux.
Ce jour-là, je me tiens bien sage près de la porte du four où une douzaine de meringues ont fini de se dorer. Je les contemple, l’eau à la bouche, serrant contre mon cœur mon petit ours rouge qui, après avoir reçu tant de baisers, être tombé et avoir traîné tant de fois sur le sol, s’est chargé de tant de poussières qu’il en est tout défiguré. Mais je l’aime, c’est mon ami et je lui raconte tant de choses…
A présent, je lui montre le four ouvert et lui vante les douceurs que nous attendent.
Je me revois assise sur ma chaise haute de bébé, emprisonnée derrière la tablette rabattue devant moi et où Pauline a déposé quelques meringues encore toutes chaudes et moelleuses. J’avance la main pour en prendre une et la goûter lorsque je m’aperçois que j’ai oublié mon petit ours devant la cuisinière.
Je veux descendre de ma chaise haute. Impossible.
– Mon nounours, Pauline, mon nounours, donne-le-moi, s’il te plaît !
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