Nouvelle – La tourterelle

Il est des jours où, à peine levé, tout vous est contraire, tout semble se liguer contre vous : les personnes, les choses elles—mêmes deviennent soudain vos ennemies. Vous tentez de découvrir la cause de ce phénomène, en vain. Subitement, vous vous sentez envahi par une quasi-impossibilité d’accomplir les tâches et les gestes les plus anodins de la vie, comme celui de choisir, au lever, les vêtements que vous allez porter pendant la journée.

Vraiment, quoi de plus simple !

Et pourtant, je me tenais debout, les bras ballants, devant une armoire grande ouverte, absolument incapable d’assembler une tenue appropriée au temps d’automne de ce jour-là. Non que ma garde-robe fût celle d’une star ou d’une diva, loin de là. Ce fait aurait dû me rendre la tâche plus facile, or il n’en était rien. Est-ce un manque d’intérêt soudain pour la journée qui commençait, ou une peur obscure de me réintroduire dans la texture même de l’existence, dans les ornières fatiguées de la vie, après le nirvana, envoûtant certes, mais éphémère des rêves de la nuit pendant lesquels je traversais, légère comme l’oiseau, des endroits étonnam­ment silencieux, des paysages d’une beauté calme et sereine où l’ombre et la lumière se complétaient, s’exaltaient l’une et l’autre …

Cette soudaine incapacité de choisir les vêtements adéquats, n’est pour moi, en fait, que le début d’une sorte de malaise qui s’installe, s’inten­sifie et se prolonge, même lorsque découragée je finis par enfiler la première robe qui me tombe sous la main. Je pense alors être sortie de ce dilemme, mais non, cette impression de flottement intérieur, de balancement, d’indécision de l’âme devant la vie, m’envahis, à la seule pensée de devoir sortir. Pour quoi faire ? Des courses ? Emprunter un livre à la bibliothèque ? Ou encore me promener dans les allées du Peyrou ou le long du Lez ? J’hésite. En fait, peu m’importe ce que je vais faire, puisqu’il n’y entre aucune préférence, aucun plaisir. Je pressens que le plus important est de sortir, après je verrais bien. 

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