-
Nouvelle – Le mas
Le mas La maison était bâtie tout en longueur au pied d’une restanque où d’immenses pins maritimes l’abritent du mistral au nord. A l’est comme à l’ouest ses fenêtres donnaient sur trois rangées d’oliviers, rangées qu’on avait dû interrompre à l’emplacement de la maison lors de sa construction au début du siècle, les oliviers sont de belle taille, ayant miraculeusement échappé aux hivers incléments de 1929 et de 1956. Ils encadraient les fenêtres de leur feuillage gris-vert minutieux et léger et en été projetant autour d’eux cette ombre subtile et vaporeuse que seuls les grands peintres réussissent à transposer sur leurs toiles. Au sud, au pied de la terrasse qui…
-
Nouvelle – Le Balcon
Un petit vent allègre et versatile émiettait les douze coups de midi et en bousculait encore quelques échos tremblants par la fenêtre grande ouverte sur la rue, jusque dans la pièce qui autrefois lui servait de salon. Ces fragiles résonances la surprenaient invariablement en pleine rêverie, elle, qui pourtant guettait midi comme on guette l’arrivée d’un voyageur longuement, fébrilement attendu. Car midi faisait la pause, réduisait le temps distendu, fileté d’un matin à un autre matin, ce temps souple, extensible à l’infini, que rien ne venait combler, meubler, si ce n’était justement cet entracte miraculeusement posé là à la mi-journée. Midi, depuis qu’elle ne sortait plus de chez elle, était…
-
Nouvelle – Le haut-grenier
Le haut-grenier, ainsi nommé pour le distinguer du petit-grenier au-dessus des clapiers, et du fenil au-dessus de la grange, coiffait toute la partie habitée de la maison et ne voyait le jour que par de minces ouvertures, vagues compromis entre l’œil-de-bœuf et le soupirail, percées au ras du plancher et pour la plupart masquées par la kyrielle d’antiquailles qui d’ordinaire compose l’atmosphère spécifique d’un grenier digne de ce nom. Si bien que, par temps de pluie, dans cette pénombre qui s’épaississait encore davantage, il fallait à tout prix se munir d’une autre source de lumière pour se faufiler, s’insinuer entre les meubles boiteux, les lits-cages aux gracieuses volutes et les malles…
-
Nouvelle – Le Service des Dames
A six heures du matin, comme à l’accoutumée, Aline fut pour ainsi dire projetée hors de son rêve par son radio-réveil l’émouvant solo de flûte d’un concerto de Savario Mercadante s’étira, se déploya comme un ruban sonore magique, presque divin et emplit sa chambre d’une musique allègre et triomphante, mais aujourd’hui il lui semblait qu’elle venait d’être tirée de son sommeil de façon encore plus arbitraire que d’habitude et que le repos qu’elle avait thésaurisé durant la nuit lui avait été injustement retiré, il avait été gommé en quelque sorte par la brutale irruption de la musique. Cette dernière, malgré sa pureté, ne parvenait plus à effacer l’impression, à la…
-
Révélations concernant la nouvelle Le service des dames
Dans notre recueil, une nouvelle intitulée « Le service des dames » évoque le séjour de Françoise Barats à Weymouth en 1955, une charmante petite station balnéaire britannique. L’auteur y fait référence au tableau de John Constable représentant la baie en 1818-1819, où l’on peut voir que le peintre a choisi de mettre en avant le ciel plutôt que la baie, qui n’occupe qu’un tiers de la toile. En effet, l’œuvre s’intitule « La baie de Weymouth à l’approche de l’orage », expliquant ainsi l’agrandissement du tableau pour laisser plus de place au ciel. Ce tableau a été gravé par David Lucas pour illustrer notre recueil « English Landscape Scenery », et nous l’utilisons également pour…