Nouvelle – Voyage autour de mes plumes
Elle ne savait pas, ne pouvait pas encore savoir qui elle était, ni où elle était. Il lui semblait avoir complètement perdu la mémoire, mais peut-être avait-elle tout simplement atteint ce moment précis où la mémoire se crée, s’élabore tandis que l’être justement se forme et se façonne : elle n’aurait su le dire.
Il lui semblait en outre ne pas avoir eu de passé, elle était tout entière plongée dans un présent continu qu’elle ressentait de l’intérieur uniquement, l’extérieur s’étant borné jusqu’ici à une surface concave semi-translucide qui s’était sans doute peu à peu désagrégée, puis avait dû se fondre dans l’espace environnant avant de disparaître tout à fait, et d’où elle avait semblé émerger, ou plutôt qu’elle avait peut-être elle-même éliminée ou brisée, comme l’oisillon casse sa coquille d’un coup de bec expert bien que novice, avant de naître véritablement à la vie.
C’est à ce moment précis que la sensation et le souvenir d’avoir été contenue et enfermée dans un espace hermétiquement clos avaient tous deux cessé brutalement et qu’elle avait été aussitôt confrontée à une impression toute autre : celle d’une incapacité absolue de déterminer, de sentir jusqu’où allait son propre corps, il lui était de ce fait absolument impossible de circonscrire les limites exactes de son être.
Pourtant, de toutes ses forces, elle avait essayé de se voir, de s’imaginer du dehors, mais comme la lueur opalescente qui avait réussi à percer la concavité qui l’entourait à ses débuts, avait, elle aussi disparu, elle se retrouvait par voie de conséquence, dans un espace ténébreux, d’un noir épais, presque gluant et d’une opacité totale.
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